Le 26 août, une trentaine d’entreprises de la mode et du luxe représentant près de 147 marques ont présenté au G7 un « fashion pacte », censé atténuer la contribution du secteur au réchauffement climatique. Alors que depuis 30 ans les initiatives volontaires ont largement démontré leur inefficacité tant ils ignorent le modèle économique même, le Collectif Ethique sur l’étiquette (ESE) dont l’ALLDC est membre s’étonne de ce retour à la mode des années 90, celle des engagements sans contrainte. L’urgence est plutôt de s’assurer de la mise en œuvre des obligations des multinationales telles que contenues dans la loi française sur le devoir de vigilance, et de les généraliser en Europe et à l’international.
Parmi les marques présentes, Nike qui a signé le fashion pacte, lance un abonnement visant à fidéliser les jeunes consommateurs, permettant de recevoir jusqu’à 10 paires de baskets par an ; H&M réfute le terme même de fast fashion et Inditex refuse de rendre tout compte aux consommateurs ou à la société civile. Alors que l’industrie de la mode est responsable de 10% des émissions mondiales de carbone et que 4 millions de tonnes de textiles sont jetés en Europe chaque année, ce pacte peine à convaincre par l’écart entre les déclarations et les actes. Surtout, il marque une nouvelle fois l’absence de volonté de s’attaquer au cœur du problème : la refonte d’un modèle économique fondé sur une production en masse, à la recherche de moindres coûts, quels qu’en soient les impacts.
Le secteur de l’habillement est responsable de violations massives des droits humains au travail : salaires de misère, répression, pression sur la durée du travail. Or ce pacte ignore la question cruciale des droits sociaux. Il ne saurait y avoir de mode « responsable » sans respect a minima des droits fondamentaux de celles et ceux qui la confectionnent à travers le monde, y compris en Europe.
Depuis 3 décennies, les multinationales ont multiplié les engagements volontaires de ce genre sans jamais envisager la refonte d’un modèle dévastateur. Seul le profit compte. Rappelons que l’effondrement du Rana Plaza en 2013 au Bangladesh est survenu alors que les marques du secteur avaient adopté depuis une vingtaine d’années déjà chartes éthiques, codes de conduite et autres déclarations volontaires. Elles avaient refusé de signer un accord contraignant sur la sécurité des usines.
A cet égard, déclarer, comme l’a fait la ministre Brune Poirson, que les engagements des grandes multinationales les obligent, témoigne pour le moins d’une naïveté inquiétante. Il est faux également de prétendre, comme la directrice du développement de Kering que « dans la mode, le meilleur policier, ce n’est pas un Etat, c’est le consommateur, le citoyen ». C’est précisément parce que les consommateurs n’ont pas aujourd’hui les moyens de sanctionner efficacement les marques que la loi doit obliger les entreprises.
Nous rappelons aux multinationales que ce n’est pas à elles de définir leurs propres règles et que la responsabilité n’est pas affaire de communication. Les déclarations n’ont jamais fait un modèle économique.
Nous rappelons à Emmanuel Macron que son rôle n’est pas de déléguer aux entreprises le rôle de leur propre régulation ; c’est précisément celui de la puissance publique d’imposer des règles assorties de sanctions, pour les contraindre à respecter les droits fondamentaux et l’environnement. Encore faut-il en avoir la volonté politique.
Ce nouvel engagement est toutefois la reconnaissance implicite de la volonté de plus en plus affirmée des citoyen-ne-es que les entreprises multinationales ne soient plus exclues de l’effort commun vers le respect des droits humains et la lutte contre le dérèglement climatique.
Nous appelons ainsi dans ce contexte Emmanuel Macron à faire en sorte que les multinationales concernées respectent les obligations qui leur incombent dans le cadre de la loi française sur le devoir de vigilance adoptée en 2017, notamment en :
o Publiant annuellement la liste des entreprises soumises à la loi
o Désignant une administration en charge du suivi de la mise en œuvre de la loi, qui garantisse un accès centralisé aux plans de vigilance et sanctionne les manquements
o Créant une instance indépendante chargée de veiller à une mise en œuvre effective de la loi
o Abaissant les seuils pour inclure toutes les entreprises opérant dans des secteurs à risques
Sources: communiqué de presse du 27 août 2019