Le 11 juillet 2019, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) a donné son accord après avis du Comité Scientifique Spécialisé Temporaire (CSST) pour le lancement dès 2020 d’une expérimentation de l’usage médical du cannabis. De quoi s’agit-il?
Le chanvre, cannabis sativa, utilisé depuis la nuit des temps comme matériau ou produit de bien-être est une plante qui, selon les variétés, contient plus ou moins de molécules psychoactives.
Rappelons que la France qui est le premier producteur européen de chanvre industriel avec des teneurs en Tétrahydrocannabinol (THC) inférieurs 0,2% ne légalise aucune autre forme de chanvre (hormis 3 médicaments) alors que 41 pays ont une attitude plus souple allant de la légalisation à la dépénalisation.
Le cannabis est composé de plusieurs centaines de substances différentes. Sa composition est variable en fonction de différents éléments tels que le mode de culture ou encore l’ensoleillement. Deux substances retiennent l’attention et l’intérêt des chercheurs :
Le THC : TétraHydroCannabinol psychoactif inscrit sur la liste des stupéfiants
Le CBD : Cannabidiol non considéré comme addictogène par l’organisation mondiale de la santé (OMS).
L’utilisation du cannabis se résume, en dehors de l’industrie, en 3 usages :
- Récréatif : il existe des risques addictifs susceptibles d’engendrer des troubles cognitifs et mentaux en fonction de la forme utilisée, de la concentration en THC et de la fréquence d’utilisation;
- Bien-être : alimentation (chocolat) cosmétiques. Le marché est illégal en France, autorisé dans plusieurs pays européens. Ils contiennent surtout du CBD (cannabidiol) souvent synthétique. La production n’étant pas encadrée, la prudence reste de mise (n’hésitez pas à bien lire les étiquettes avant d’acheter).
- Thérapeutique : Il existe trois médicaments, l’un d’eux n’est pas commercialisé en France, les deux autres répondent à des règles extrêmement précises de dispensation. Tous ont pour objectif de soulager des souffrances surtout neuropathiques qui résistent aux traitements classiques. Des associations de patients militent en faveur de plus de souplesse et de recherche.
Une expérimentation thérapeutique est longue et se doit d’être parfaitement contrôlée tant au niveau scientifique qu’éthique. Ainsi, il faudra au moins deux ans pour aboutir à des conclusions qui tiendront compte du service rendu, du rapport bénéfice/risque sans négliger les risques d’une utilisation non thérapeutique ou d’un surdosage.
Les différentes formes d’administration (comprimés, sirops…) devront également être étudiées pour éviter des mésusages. La forme «cigarette» n’est pas envisagée.
Une certaine frilosité ne concourt pas à accélérer le processus : certains dont l’Académie de Pharmacie remettent en cause le terme même de thérapeutique accolé à celui de cannabis, d’autres soulèvent les risques accidentels notamment vis-à-vis des enfants et de mésusages.
Plusieurs études internationales montrent que le risque ou les effets indésirables, à court terme, ne sont pas différents de ceux des autres médicaments utilisés dans les pathologies concernées. Les effets à long terme sont moins bien connus mais ne sembleraient pas différents des autres médicaments déjà sur le marché et particulièrement les opioïdes.
L’Europe s’intéresse au sujet et a posé quelques jalons :
- Établir une nette distinction entre utilisation médicale et autres utilisations;
- Permettre le remboursement des médicaments efficaces;
- Disposer de règles juridiques claires et stables ; contrôler la qualité des produits, prévoir un étiquetage clair et compréhensible.
- Garantir un meilleur contrôle des points de vente afin de diminuer le recours aux marchés parallèles.
La libéralisation de l’usage du cannabis constitue un secteur dynamique pour les investisseurs avec des taux de croissance impressionnants. Le cannabis possède son propre indice sur le marché boursier new-yorkais, le PAH (Prime Alternative Harvest). Malgré de grandes fluctuations, l’attention est extrême, le Canada et Israël prennent une sérieuse avance et les grandes entreprises du secteur de l’alcool, du tabac et de la pharmacie investissent.
Rappelons que la France n’est pas productrice, elle sera donc dépendante des marchés et devra recourir à l’importation. Les négociations sur le prix des médicaments mis sur le marché seront difficiles comme c’est déjà le cas pour l’un des trois médicaments, le Sativex (spray) autorisé depuis 2014 mais qui n’est pas commercialisé en France, faute d’accord sur le prix.
Le cannabis thérapeutique soulève de nombreux débats car il est question de santé publique, d’économie mais aussi de morale. Le chemin est encore long pour faire du cannabis une alternative thérapeutique appelée à soulager ceux qui souffrent. En tant qu’association nationale agréée, l’ALLDC ne peut rester à l’écart de ce débat, qu’elle devra relayer dans toutes les instances de concertation dans le domaine de la santé auxquelles elle participe.