Lorsque l’on s’engage dans la vie à deux, on se promet d’être présent pour le meilleur et le pire. Toutefois, la vie commune n’est pas un long fleuve tranquille et peut s’interrompre suite à une séparation ou un divorce. Mais, si au moment de la séparation du couple la question de la répartition du patrimoine se pose, celle des dettes nées durant la vie commune est bien plus épineuse : sont-elles réparties équitablement entre les ex-conjoints? Qu’appelle-t-on solidarité des dettes du ménage? Régulièrement sollicités sur ces questions, nous vous expliquons comment tout cela fonctionne.
En préambule, sachez que tous les couples ne sont pas logés à la même enseigne ! Tout d’abord, pour les couples vivant en concubinage chacun est redevable de ses propres dettes.
Ainsi, dans le domaine fiscal, chacun fait sa propre déclaration de revenus et n’est donc redevable que de ses propres impôts. De même, en cas de signature d’un contrat de crédit, seul le concubin, emprunteur est redevable des échéances et des impayés éventuels. Cela signifie qu’en cas de défaillance de l’emprunteur la banque ou l’organisme de crédit ne peut pas se retourner contre l’autre concubin, non signataire du crédit. En revanche, si ce dernier est co-emprunteur, il pourra être poursuivi, comme le débiteur principal, pour le paiement du solde exigible. En effet, dans cette hypothèse, le concubin co-emprunteur joue le rôle d’une caution personnelle.
Pour le loyer et les charges impayés, la solidarité ne s’appliquera, là encore, que si l’autre concubin est co-titulaire du contrat de bail. Si le bail a été signé par un seul des concubins, il est le seul titulaire du contrat de bail et donc redevable du loyer et des charges impayés.
En résumé, la solidarité des dettes entre concubins ne se présume pas, elle doit être expresse et résulter par exemple de la signature d’un contrat. A défaut, chaque concubin n’est responsable que de ses propres dettes.
En revanche, pour les couples mariés, la situation est différente : par principe, les époux sont solidaires des dettes nées pendant leur mariage. En effet, l’article 220 du code civil énonce : « Chacun des époux a pouvoir pour passer seul les contrats qui ont pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants : toute dette ainsi contractée par l’un oblige l’autre solidairement.
La solidarité n’a pas lieu, néanmoins, pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant.
Elle n’a pas lieu non plus, s’ils n’ont été conclus du consentement des deux époux, pour les achats à tempérament ni pour les emprunts à moins que ces derniers ne portent sur des sommes modestes nécessaires aux besoins de la vie courante et que le montant cumulé de ces sommes, en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie du ménage ».
Cet article pose donc le principe d’une présomption de solidarité des dettes nées à l’occasion de l’entretien du ménage ou de l’éducation des enfants. Parmi ces dettes on peut citer les dettes de logement, de cantine, d’hôpital, les impôts etc…
Concrètement, même si la dette a été contractée par un seul des époux, l’autre est malgré tout tenu solidairement au paiement et devra s’en acquitter en cas de poursuites par le créancier.
Cependant, ce principe d’obligation solidaire des époux est tempéré. En effet, la solidarité n’a pas lieu pour une dépense excessive. C’est le juge qui apprécie au cas par cas si la dépense est excessive notamment au regard du train de vie du ménage, de l’importance de la dépense par rapport aux ressources réelles du ménage, de l’utilité ou l’inutilité de la dépense etc… A titre d’exemple, le juge peut estimer que l’achat d’un deuxième véhicule pour un couple dont le revenu est le SMIC est une dépense excessive et inutile.
De la même manière, en matière de crédit, ce dernier doit être modeste et souscrit pour les besoins de la vie courante pour que chaque conjoint soit solidairement redevable, y compris celui qui n’a pas apposé sa signature.
Par exemple, une épouse ayant souscrit de nombreux crédits renouvelables sans rapporter la preuve que ces crédits avaient servi à l’entretien du ménage a été condamnée à devoir régler seule le remboursement de tous les crédits ainsi contractés (Cass. Civ 1ère, 14 mars 2012).
Un crédit utilisé dans l’intérêt exclusif de l’un des époux n’entraîne donc pas la solidarité de l’autre.
Notons que le juge aux affaires familiales saisi dans le cadre d’un divorce peut désigner dans l’ordonnance de non-conciliation le conjoint qui devra s’acquitter du remboursement d’un crédit. Mais contrairement, à une idée répandue, cette ordonnance est inopposable aux tiers. Un créancier pourra donc toujours se retourner contre l’un quelconque des époux, même celui non désigné dans l’ordonnance, pour exiger le règlement de la totalité de la somme due, si des impayés sont constatés.
Ainsi, l’obligation solidaire des époux cesse quand le divorce est retranscrit sur les actes d’état civil, date à laquelle il est alors opposable aux tiers.
Par ailleurs, rappelons que la solidarité des dettes du ménage s’applique quel que soit le régime matrimonial, y compris la séparation des biens, dès lors que la dette concernée a pour origine l’entretien du ménage et l’éducation des enfants.
Quant aux couples pacsés, ils sont également solidaires (article 515-4 alinéa 4 du code civil), notamment en matière fiscale, logement et charges courantes, leur solidarité étant proche de celle du mariage.
La rupture du couple n’emporte pas que des conséquences affectives mais également juridiques. Il convient donc de bien s’informer pour pouvoir réagir face aux relances de créanciers sachant que toutes les dettes ne bénéficient pas du principe de solidarité et le statut du couple (marié, pacsé ou union libre) a des effets juridiques différents.