Après plusieurs années de réunions virtuelles imposées par la crise sanitaire, le COPOLCO, Comité pour la Politique des consommateurs de l’ISO s’est réuni en présentiel à New Delhi en Inde du 22 au 25 mai dernier. Au tour de la table, 41 délégations nationales des pays du monde entier, et plus d’une centaine de délégués.
La délégation française s’y est rendue avec 4 délégués désignés par le comité consommation d’AFNOR dont l’ALLDC assure la présidence. Rémi Reuss (AFNOR), Anne Lucet Dallongeville (CNL), Nicolas Revenu (CNAFC) et Dominique GERINTE (Familles RURALES) ont donc représenté le comité, les consommateurs français lors de cette réunion annuelle. L’occasion pour nous de les interroger sur leur expérience et sur les thèmes de travail à l’ordre du jour du COPOLCO 2023.
Dominique : Tu siégeais pour la première fois dans la délégation française au Copolco. Qu’est ce que tu retiens de cette semaine d’immersion dans l’univers de l’ISO ?
Je retire une fierté de faire partie de la délégation française de l’AFNOR au 44éme ISO/COPOLCO plénier 2023 ; et de représenter, également, une association familiale nationale très au fait du consumérisme, ce qui me responsabilise d’autant plus que les pistes évoquées sont fédératrices. »
« L’idée qu’à travers les déclarations, les rencontres dans les groupes de travail (notamment avec les Allemands et les Suédois) il y ait une communauté de préoccupations autour des émissions de gaz à effet de serre, concrètement, me confirme dans l’intérêt de travailler sur ces fondamentaux de manière élargie, et de renforcer notre collaboration européenne.
« Plus encore, je retire que, quel que soit le pays, il y a la même intention de défendre le consommateur. Mais si nous sommes tous des consommateurs, nous ne sommes pas tous légitimes pour parler au nom des consommateurs. C’est ce qui m’anime.
« Le thème qui retient mon intention c’est la responsabilisation des consommateurs à une pratique durable. Et que peut faire la norme ? »
Merci Dominique pour ce témoignage dans lequel on comprend ton engagement militant au service de notre cause commune : la défense des consommateurs.
Nicolas : Tu es présent dans le secteur de la consommation depuis longtemps, mais c’est la première fois que tu participais au Copolco. Qu’est ce que tu retiens de spécifique par rapport aux autres instances dans lesquelles tu travailles habituellement ? De ton côté, quel thème te semble prioritaire ?
« Le COPOLCO est une instance de l’ISO, dès lors, ce contexte international du travail est très apparent et se manifeste par la présence, la prise de parole, l’influence de pays divers. Il est surprenant de constater que les enjeux consuméristes sont ressentis d’une manière apparemment consensuelle, alors que les enjeux industriels, nécessairement liés à un pays ou une région, sont prédominants. Le fait que la norme soit un instrument de pénétration et de conservation des marchés devient très sensible au travers des initiatives portées ou défendues par différentes régions économiques.
La sécurité des utilisateurs de produits ou usagers de services sont, avec la qualité des productions industrielles, des arguments de protection des consommateurs. Être en capacité de les assurer est un moyen d’inspirer la confiance et c’est aussi un argument de conquête.
Ainsi se manifeste l’ambivalence de la normalisation au bénéfice d’un progrès économique et social dont il faut espérer qu’il profite à l’ensemble de la population mondiale.
La concertation entre professionnels et consommateurs a, à ce niveau international, une dimension à laquelle les intérêts nationaux sont soumis. Il est rassurant de constater l’implication des mouvements consuméristes et la réalité de leur organisation pour leur donner une capacité à s’exprimer. En particulier, la place prise par l’ANEC dans ce type d’instance semble tout à fait significative. »
Merci Nicolas pour ton témoignage. On comprend que la participation des consommateurs est nécessaire à chaque niveau, national, européen et international pour permettre la prise en compte des attentes et des besoins de consommateurs afin que, tous, partout dans le monde, puissent bénéficier de produits et services sûrs mais aussi, comme tu le dis, d’un progrès économique et social.
Anne : Tu as déjà participé à cette réunion annuelle du COPOLCO, il y a 4 ans. Pourquoi as-tu souhaité y participer à nouveau ? Qu’est ce que cela apporte aux consommateurs français ?
La réunion plénière annuelle du COPOLCO est avant tout un forum d’échange entre les associations de consommateurs et les instances de l’lSO qui pilotent la participation des associations aux travaux internationaux de normalisation.
C’est également l’occasion pour les délégués d’approfondir leurs connaissances sur les normes en vigueur et les tendances à venir.
En cela, l’édition 2019 avait été un succès, et 2023 n’a pas failli à la règle!
Nous avons pu mesurer l’efficacité des moyens dont les associations de consommateurs d’autres pays disposent pour participer aux travaux de normalisation : par exemple, nos collègues de Grande-Bretagne et d’Allemagne sont membres d’un forum de consommateurs intégré au NSB de leur pays (l’instance nationale de normalisation) tout en étant indépendant. En France nous ne sommes pas en reste avec le groupe de travail permanent des associations organisé par l’Afnor!
Ces trois journées d’échange organisées en conférences, tables rondes et ateliers, nous ont permis de repérer nos préoccupations communes actuelles ; l’une des principales est la préservation de la planète par la réduction des pollutions, par la réduction de la consommation d’énergie, la gestion des ressources et la production éthique.
Ces objectifs sont maintenant présents dans beaucoup de travaux de normalisation. De même que la participation des consommateurs, selon le credo de l’ISO « All voices heard » : « Toutes les voix doivent être entendues ». C’est l’équilibre des forces en présence, à savoir industriels et consommateurs, qui est en jeu ; et dans ce contexte, le niveau d’expertise des représentants des consommateurs est déterminant.
À saluer également : le plénier 2023 a innové en proposant des interviews croisées des délégations nationales. Efficacité garantie ! Cela a permis de faire le point en quelques minutes sur les méthodes qui fonctionnent, sur le niveau de protection fixé par les normes et sur les thèmes de travail selon les pays ; idéal pour cerner des objectifs partagés, nouer des alliances et définir des stratégies communes !
Et c’est ainsi que des sujets communs sont maintenant sur au programme du Groupe de travail du COPOLCO dédié à la sécurité des consommateurs…
Le COPOLCO, créé en 1978, réuni en plénier et en présentiel en 2023 pour la première fois depuis 2019, a pleinement joué son rôle de comité d’orientation politique : en son sein les représentants des consommateurs repèrent, identifient et instruisent les nouveaux besoins en normalisation. Ces travaux sont ensuite repris par les comités techniques chargés d’élaborer les normes souhaitées par les consommateurs.
La délégation française a pris toute sa place au plénier du COPOLCO 2023 en faisant inscrire plusieurs sujets au programme du groupe de travail Sécurité des consommateurs : notamment la sûreté des installations électriques dans les logements, un enjeu crucial dans le contexte actuel de la rénovation énergétique qui incite au tout-électrique.
À l’heure où les usages électriques domestiques se multiplient et se diversifient — ¬le télétravail, les chargeurs en tous genres, les pompes à chaleur raccordées aux installations existantes mais pas forcément adaptées ni même vérifiées, les appareils et équipements communicants — nul doute que les contrôles de sécurité incendie* seront prochainement dans les radars des politiques publiques.
Vivement la prochaine réunion du groupe Sécurité des Consommateurs du COPOLCO pour continuer le travail!
Lire le Rapports FEEDS ici
Merci Anne, en effet, la question de la sécurité électrique est un sujet à traiter prioritairement à la fois au niveau national, mais aussi à l’échelle européenne et au niveau de l’ISO.
Rémi : Tu es responsable consommation à l’AFNOR et à ce titre, tu participes chaque année au COPOLCO. Le travail du COPOLCO est assez difficile à expliquer aux consommateurs, en tant qu’expert peux tu nous expliquer son rôle et l’importance pour les membres d’y être ?
Participer aux réunions du COPOLCO est une belle opportunité de rencontres et d’échanges avec ses pairs ! Force est de constater que l’on retrouve chez tous les membres participants un profond sens d’intérêt général.
Les participants ont tous à cœur de travailler au profit de l’accompagnement des représentants des consommateurs, afin que ceux-ci soient en capacité de prendre une place dans le système de normalisation au niveau national et international.
Les normes volontaires sont un puissant levier de régulation, permettant de définir de règles de bonnes pratiques sur les marchés. La normalisation est une activité qui n’est pas toujours connue et identifiée à la hauteur des enjeux qu’elle porte. Se rencontrer permet d’échanger et de partager les bonnes pratiques.
Chacun est ainsi susceptible de bénéficier des retours d’expérience des autres et de gagner ainsi en efficacité et en pertinence.
Il est également précieux de partager et d’échanger autour des préoccupations prioritaires des organisations de consommateurs. C’est ainsi par exemple, que nous avons constaté sur les dernières années la montée en puissance de la consommation responsable et de l’importance de la crédibilité des allégations. Fort de ces constats, il est alors possible de « peser » davantage sur le système et d’exprimer la voix des consommateurs à un haut niveau.
Se rencontrer permet également d’engager des projets en commun et de tisser des liens. Ainsi par exemple, dans les dernières années, nous avons mené des initiatives communes entre le comité consommation d’AFNOR et le Conseil des consommateurs du DIN (Allemagne). Nous avons entrepris également des rapprochements entre pays francophones. Avec le changement d’interlocuteurs, de par le turnover naturel de correspondants, ces actions se conduisent dans la durée.
Quel thème du COPOLCO 2023 retiens tu comme prioritaire et pourquoi ?
Incontestablement pour moi, le thème le plus important est celui de la durabilité (sustainability) : comment consommer plus durablement ? Les normes volontaires sont là pour apporter des éléments de réponse et la participation des représentants des consommateurs à leur élaboration est essentielle !
Merci Rémi pour ton témoignage, je retiens la notion d’intérêt général de la normalisation, de travail en réseau avec nos homologues, et la thématique de la durabilité.
La durabilité, ou comment consommer de manière plus raisonnée, constitue la seule alternative possible et les associations de consommateurs françaises y travaillent au quotidien. Au sein du comité consommation d’AFNOR, mais aussi au sein des groupes de travail du Copolco, et avec toutes les parties prenantes, elles prendront part aux travaux de l’ISO qui ne font que commencer.