La région Ile de France, comme d’autres, fait face actuellement à une grave crise du logement. Avec les jeux olympiques (du 26 juillet au 11 août) et paralympiques (du 28 août au 8 septembre), se loger à Paris et en proche banlieue relève du défi. Mais pour certains propriétaires, cet évènement exceptionnel est une aubaine. Ces bailleurs peu scrupuleux n’hésitent pas à résilier le bail de leur locataire en méconnaissance de la loi, pour mettre leur logement en location saisonnière, bien plus rentable. Un phénomène qui s’accélère à l’approche des jeux olympiques.
Selon les chiffres de la fondation Abbé Pierre, la France compte 4,1 millions de personnes mal logées (personnes privées de logement et celles vivant dans des conditions de logement très difficiles). Cette crise du logement est liée à plusieurs facteurs : manque de construction de logements neufs, mobilité dans le parc immobilier réduite, hausse des taux d’intérêt du crédit immobilier, parc locatif privé qui se réduit avec les meublés touristiques…
Or, selon les prévisions, environ 15 millions de touristes sont attendus pour assister aux jeux olympiques et paralympiques cet été. Beaucoup d’entre eux doivent se loger en hôtel ou en meublé touristique. Si les prix des chambres d’hôtel à Paris sont en baisse pour cette période, ils restent bien au-dessus des tarifs habituels (522€ la nuit) selon les chiffres de l’office du tourisme (en juillet 2023, une chambre à Paris coûtait en moyenne 202 euros).
A l’inverse, le nombre d’annonces disponibles sur la plateforme Airbnb, lui, a explosé (+47%) pour Paris et sa banlieue.
La location saisonnière connaît donc un réel succès et la tentation est grande pour certains propriétaires de reprendre leur logement pour le relouer 4 fois plus cher. Mais pour cela, il faut pouvoir se débarrasser du locataire!
C’est pourquoi, depuis plusieurs mois, les locataires titulaires d’un bail d’habitation se voient congédier par leur bailleur au motif d’un congé pour reprise ou pour vente. En effet, ce sont les deux cas prévus par la loi du 6 juillet 1989 modifiée qui autorise le propriétaire à reprendre son bien (hors loyers impayés), sous réserve du respect de la procédure.
Par exemple, dans le cadre d’un congé pour reprise, la lettre de congé doit être envoyée au locataire au moins 6 mois avant la date d’échéance du bail, elle doit préciser le motif de la reprise, le nom et l’adresse du bénéficiaire de la reprise (enfants, parents, conjoint…), le lien entre le bénéficiaire de la reprise et le propriétaire etc.
En 2022, 19% des congés (1 congé sur 5), n’étaient pas valables sur la forme. La proportion a grimpé à 24% en 2023 et est passée à 28 % depuis septembre dernier, selon les chiffres de l’ADIL Paris. L’ADIL 93 fait aussi le constat qu’en Seine-Saint-Denis, 60% des congés traités sont « frauduleux ».
Certes, si le bailleur ne reprend pas le logement pour lui-même ou un de ses proches, le congé pour reprise est illégal et le propriétaire encourt une amende maximale de 6 000€. Mais la seule préoccupation d’un locataire qui se retrouve sans toit est de trouver au plus vite un nouveau logement! Sans compter que le contrôle a posteriori des congés pour reprise et pour vente est limité. Résultat, même en cas de fortes suspicions du locataire, il est peu probable qu’il se lance dans une procédure judiciaire dans un tel contexte.
La location saisonnière a encore de beaux jours devant elle et les jeux olympiques et paralympiques en sont une illustration. Il faut dire que la location saisonnière jouit d’une fiscalité très avantageuse. Dans cette période de crise du logement, une réelle incitation fiscale serait un levier pour pousser les propriétaires frileux à louer leur logement à des locataires plutôt qu’à des touristes. D’autres proposent une trêve olympique à l’image de la trêve hivernale pour proscrire toute expulsion locative entre le 31 mars et le 1er novembre 2024, sauf si une solution de relogement adaptée est garantie. Mais cette proposition de loi n’est pas encore adoptée alors que pour les locataires, le temps presse.