Les réseaux sociaux fourmillent de compte de parents partageant leur vie de famille. On y trouve des vidéos ou photos de moments de complicité parents enfants ou des canulars faits par les parents au détriment de leurs enfants, des vidéos d’anniversaire d’un enfant ou encore un voyage en famille. Cette pratique consistant à publier des images de ses enfants se nomme le sharenting (en anglais to share : partager et parenting : parentalité). Mais exposer ses enfants sur les réseaux sociaux n’est pas anodin et présente un risque d’atteinte à leur vie privée et à leur image. Alors pour éviter ces dérives, la loi du 19 février 2024 responsabilise les parents. On vous explique.
Selon l’observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique, 53% des parents ont déjà partagé sur les réseaux sociaux du contenu sur leurs enfants. Ainsi, selon une enquête de l’agence britannique Opinium, en moyenne, avant l’âge de 13 ans, les parents ont déjà posté pas moins de 1300 photos de leur enfant mineur.
Or, la moitié de ces publications se retrouvent sur des sites pédopornographiques (notamment dans le cas de publication d’enfants dénudés prises au moment du bain). De plus, ces publications peuvent créer un risque de harcèlement scolaire.
Ainsi, peu de parents le savent mais une image peut donner des informations sur votre enfant (âge, localisation, heure, centre d’intérêt etc.) et permettre ainsi de l’identifier. Enfin, certains enfants se voient attribuer une identité numérique qu’ils auront des difficultés à faire supprimer à l’âge adulte.
Pourtant, même mineur, un enfant a droit au respect de son image. Envisagé par la proposition de loi du député Bruno Studer, le texte visant à responsabiliser les parents et protéger l’image des enfants a été définitivement adopté le 6 février 2024.
Désormais la loi n° 2024-120 du 19 février 2024 visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants permet au juge aux affaires familiales d’interdire à un parent de publier ou diffuser toute image de son enfant sans l’accord de l’autre parent. Cette loi précise également que « les parents associent l’enfant à l’exercice de son droit à l’image, selon son âge et son degré de maturité », comme l’exige la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989.
En outre, la loi renforce le droit à l’oubli en autorisant la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) à saisir le juge des référés pour demander « toute mesure de sauvegarde des droits de l’enfant en cas d’inexécution ou d’absence de réponse à une demande d’effacement de données personnelles ».
Il ne s’agit donc pas d’interdire la publication de photos de ses enfants mais bien de l’encadrer. Pour le faire en toute sécurité et éviter les dérives, la CNIL publie des recommandations concrètes sur les bonnes pratiques à adopter :
1) Privilégiez le partage par messagerie instantanée, par courriels ou par MMS : certaines messageries vous permettent d’envoyer des messages éphémères. De plus demandez à votre destinataire de ne pas partager lesdites photos.
2) Sollicitez l’accord de votre enfant et de l’autre parent avant toute publication
3) Evitez le partage de vos photos et vidéos et floutez le visage de votre enfant
4) Sécurisez votre compte et réduisez la visibilité de vos publications : réglez de préférence vos comptes sur les réseaux sociaux en compte privé
5) Faites régulièrement le tri dans vos photos/vidéos et vos abonnés : vous pouvez créer des catégories sur les réseaux sociaux (ami, proches) qui seront les seuls destinataires de vos photos/vidéos
A noter qu’en Europe, des affaires ont donné lieu à la condamnation des parents qui avaient exposé leurs enfants, sans leur consentement. C’est dans ce cadre qu’en 2018, un adolescent de seize ans a porté plainte contre sa mère pour violation de sa vie privée. Le tribunal de Rome avait ainsi ordonné à la mère d’arrêter de poster des photos de son fils sur les réseaux sociaux, sous peine d’amende.
La pratique du sharenting ou du partage des vidéos de ses enfants sur les réseaux sociaux n’est donc pas sans risques. Poster pour le « clic » et « être vu » a des conséquences à court mais aussi à long terme, et peut impacter la vie personnelle et professionnelle de votre enfant une fois devenu adulte. Mieux vaut prendre quelques précautions avant de divulguer les photos de ses enfants sur les réseaux sociaux car, une fois publiées, elles laissent des traces parfois irréversibles.