Depuis le 1er janvier dernier, la majorité des salariés du secteur privé se sont vus proposer la souscription d’une mutuelle collective obligatoire, par leurs employeurs. Si sur le papier cette réforme peut s’apparenter à une avancée sociale, des couacs demeurent, notamment dans l’interprétation des dispenses prévues par la loi.
Le droit du travail est depuis toujours considéré comme un droit complexe, et cette nouvelle réforme ne déroge pas à la règle. Concernant l’étendue de la couverture collective obligatoire, certaines conditions sont simples d’interprétation, comme l’obligation pour l’employeur de prendre en charge au minimum 50 % de la cotisation, le salarié payant le reste. De même, tout contrat de mutuelle d’entreprise doit respecter un socle de garanties minimales.
intégralité du ticket modérateur sur les consultations, actes et prestations remboursables par l’assurance maladie sous réserve de certaines exceptions,
totalité du forfait journalier hospitalier en cas d’hospitalisation,
frais dentaires (prothèses et orthodontie) à hauteur de 125 % du tarif conventionnel,
frais d’optique forfaitaire par période de 2 ans (annuellement pour les enfants ou en cas d’évolution de la vue) avec un minimum de prise en charge fixé à 100 € pour une correction simple.
Or, l’étendue de ce panier et/ou le coût de la cotisation ne satisfont pas toujours les salariés qui bénéficiaient déjà d’une mutuelle individuelle ou collective via leur conjoint/parent.
Ils essayent alors d’invoquer une des dispenses prévues par la loi (article R242-1-6 et R242-1-2 dernier alinéa du Code de la Sécurité sociale et arrêté du 26 mars 2012), mais celles-ci sont parfois interprétées restrictivement par les employeurs.
Pour rappel, le code du travail précise que la mutuelle d’entreprise n’est pas obligatoire pour les catégories de personnes suivantes :
Des salariés et apprentis bénéficiaires d’un contrat à durée déterminée ou d’un contrat de mission d’une durée au moins égale à douze mois à condition de justifier par écrit en produisant tous documents d’une couverture individuelle souscrite par ailleurs pour le même type de garanties ;
Des salariés et apprentis bénéficiaires d’un contrat à durée déterminée ou d’un contrat de mission d’une durée inférieure à douze mois, même s’ils ne bénéficient pas d’une couverture individuelle souscrite par ailleurs ;
Des salariés à temps partiel et apprentis dont l’adhésion au système de garanties les conduiraient à s’acquitter d’une cotisation au moins égale à 10 % de leur rémunération brute ;
Des salariés bénéficiaires d’une couverture complémentaire ou d’une aide à l’acquisition d’une complémentaire santé .La dispense ne peut alors jouer que jusqu’à la date à laquelle les salariés cessent de bénéficier de cette couverture ou de cette aide ;
Des salariés couverts par une assurance individuelle de frais de santé au moment de la mise en place des garanties ou de l’embauche si elle est postérieure. La dispense ne peut alors jouer que jusqu’à échéance du contrat individuel ;
Des salariés qui bénéficient par ailleurs, y compris en tant qu’ayants droit, d’une couverture collective relevant d’un dispositif de prévoyance complémentaire conforme à un de ceux fixés par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, à condition de le justifier chaque année.
Depuis le 1er janvier, notre association est régulièrement sollicitée par des consommateurs qui ne souhaitent pas bénéficier de la mutuelle obligatoire, et nous font part de leurs mésaventures parfois étonnantes.
Comme ce consommateur, gardien de 5 immeubles et avec 5 employeurs différents, dont deux d’entre eux lui prélèvent désormais une cotisation de mutuelle d’entreprise obligatoire, et se retrouve ainsi doublement assuré.
D’autres salariés nous témoignent de cas où la mutuelle a profité avec à propos de cette réforme pour réviser les conditions tarifaires et/ou les bénéficiaires de leur contrat voire de remplacer les garanties avantageuses existantes par une formule comprenant les garanties minimales prévues par le texte.
Et que dire de ces salariés qui disposent déjà en tant qu’ayants droits d’une couverture santé collective par leur conjoint ? Pour l’employeur, la dispense ne peut jouer dans la mesure où la mutuelle collective n’est obligatoire qu’à l’égard du conjoint salarié et non de l’ayant droit.
En conclusion, cette réforme qui avait tout pour plaire aux salariés s’avère dans de nombreux cas une pilule difficile à avaler. Il aurait sans doute fallu prévoir que ce texte s’impose uniquement à l’égard des salariés ne bénéficiant d’aucune garantie, et laisser l’opportunité aux salariés déjà couverts de choisir leur complémentaire. Un état des lieux de cette réforme serait donc souhaitable pour en corriger les travers, faire taire les trop nombreuses sources de mécontentement, pour qu’elle s’inscrive enfin comme une réelle avancée sociale.