De nombreux consommateurs l’ignorent encore, mais les technologies du numérique (objets connectés, smartphone, ordinateurs, data center…) ont un impact significatif sur l’environnement. Ces technologies sont néanmoins très utiles car, paradoxalement elles apportent des solutions innovantes aux problèmes écologiques de ce siècle.
En effet, les chiffres sont parlants :
Ces technologies, les TIC consomment de 6 à 10% de la production annuelle mondiale d’électricité dont un tiers pour les terminaux, un tiers pour les data centers et un tiers pour les infrastructures de transport des données.
Les TIC sont aujourd’hui à l’origine d’environ 5% des gaz à effet de serre sur la planète et la progression de l’empreinte carbone des TIC est estimée à 9% par an dans les années à venir. De plus, cette estimation ne tient pas compte de l’impact de la mise en œuvre de l’intelligence artificielle et de la blockchain qui nécessitent de grosses puissances de calcul et donc un surcroît de consommation d’énergie.
Entre 2019 et 2020 le nombre d’objets connectés passera d’environ 7 milliards à environ 20 milliards. Par ailleurs, les appareils actuellement en circulation sur le marché ne sont que très partiellement recyclables. Par exemple, un smartphone comporte 60 métaux et seulement 40 d’entre eux sont actuellement recyclables. On constate une forte croissance du trafic des données, près de 60% sont des contenus vidéos.
En 2021, dans deux ans donc, on estime à 4,7 milliards le nombre d’utilisateurs d’internet et à 27 milliards celui des appareils connectés. Ces évolutions nécessiteront un besoin croissant d’énergie. Il faut souligner qu’en moyenne, 35 applications fonctionnent en permanence sur un smartphone, même quand celles-ci sont fermées.
Le nombre de smartphones reconditionnés représente aujourd’hui seulement 10% du volume mondial des ventes.
Pourtant, les technologies du numérique ont cette particularité remarquable, d’avoir certes un impact écologique négatif tout en proposant des solutions efficientes à de nombreux problèmes écologiques du 21ème siècle.
Les TIC ce sont d’abord des équipements. Qu’il s’agisse des data centers, des terminaux ou encore des infrastructures de télécommunication, ces équipements sont des produits industriels qu’il faut développer et produire de manière éco-responsable. C’est le domaine de l’écologie industrielle avec en amont les sources d’énergie et les méthodes d’extraction des matières premières que l’on souhaite évidemment renouvelables et non polluantes. L’écologie industrielle comprend aussi les activités recherche et développement (R&D). Ces services doivent définitivement s’engager dans l’éco-conception pour optimiser la fin de vie des équipements, par exemple les reconditionnements, les recyclages ou l’élimination des déchets.
Les TIC ce sont des codes, plus ou moins efficients, qu’il s’agisse d’applications, de programmes, d’algorithmes. Il y a un lien évident entre la qualité des codes et la consommation d’énergie d’un ordinateur même s’il est encore difficile de le quantifier.
Les TIC ce sont également des données qui doivent être stockées, traitées, transmises, etc … Chaque transaction informatique équivaut à une dépense d’énergie. Il faut donc supprimer les données inutiles/obsolètes et limiter au strict nécessaire le volume de données échangées.
Les TIC ce sont des utilisateurs, professionnels ou individuels, dont les pratiques ne sont pas toujours les meilleures du point de vue de leur impact écologique. C’est le domaine des usages qu’il faudra vraisemblablement encadrer dans tous les cas de figure (BtoB, BtoC, CtoC).
Les TIC ce sont aussi des réseaux commerciaux et de distribution qui achètent, vendent, revendent, réparent, réhabilitent des équipements, faisant apparaître de nouveaux métiers notamment dans le reconditionnement, le recyclage et l’élimination des déchets. Il faut promouvoir et proposer des programmes d’aide au développement de ces métiers éco-responsables.
Mais, les TIC sont enfin des outils très efficaces pour la lutte contre le réchauffement climatique. De nombreuses applications utilisant des objets connectés permettent une réduction significative de l’empreinte carbone par exemple dans les processus de traitement des déchets ménagers et industriels. Des start-up commercialisent déjà des robots autonomes permettant de nettoyer les rivières et les ports. Les exemples se multiplient et sont de plus en plus performants.
Selon le livre blanc de l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (Edition 2018): «Le numérique permet par exemple d’observer et de mieux surveiller en temps réel l’état de notre planète, de l’air que nous respirons, de nos forêts, des stocks et flottes de pêche. Il peut aussi être un puissant levier d’optimisation de nos systèmes énergétiques, alimentaires ou encore de mobilité. Il permet ainsi d’adapter l’éclairage public aux besoins réels des populations, de localiser les fuites dans les réseaux d’eau, de fluidifier les flux de transport, d’informer en temps réel des solutions de mobilité qui s’offrent aux usagers. Il contribue à l’amélioration du fonctionnement des réseaux énergétiques, à la plus grande pénétration des énergies renouvelables, à l’effacement des consommations d’électricité en période de pointe. Il peut servir à optimiser la collecte des déchets, l’utilisation des intrants dans l’agriculture, etc.»
Il est aujourd’hui urgent de définir des stratégie au niveau national, européen et international capables de répondre à ces enjeux et risques pour l’homme, l’économie, l’environnement.
TIC ECO-RESPONSABLES ET ÉCONOMIE CIRCULAIRE
En théorie, une telle approche exhaustive s’inscrit parfaitement dans le cadre des principes fondamentaux de l’économie circulaire. Des opérateurs TIC, comme Orange, se sont déjà attelés à la tâche. Néanmoins, l’économie circulaire n’a de sens et n’aura de réelle efficacité que si on développe une stratégie inclusive intégrant simultanément tous les aspects des TIC: l’écologie industrielle, l’optimisation des codes, l’optimisation des transactions sur les données, la mise en œuvres des bons usages, les nouveaux métiers, etc…
Cependant, la très grande majorité des activités industrielles du domaine des TIC est localisée en Chine. Dans ce pays les industries reposent largement sur l’énergie fournie par les centrales à charbon, et de notre point de vue, une telle démarche inclusive relèverait plutôt de l’utopie.
La logique et le réalisme voudrait donc que l’on mette en œuvre l’économie circulaire de façon hétérogène, c’est à dire là où c’est possible, au moment où c’est réalisable et sous réserve de moyens d’investissements appropriés.
Depuis quelques années les organismes internationaux et européens de normalisation étudient cette question de l’éco-responsabilité des TIC. Pourtant, malgré cette prise de conscience, on ne peut que constater une incompréhensible inertie sur une question qui est de toute évidence “très urgente”.