Après une consultation en ligne du grand public et un an de débat au sein des deux assemblées parlementaires, la loi pour une République Numérique a été définitivement adoptée le 7 octobre dernier. Une réforme attendue, consacrée aux données personnelles. Mais quels changements concrets peuvent en attendre les citoyens consommateurs?
En quelques années, internet a touché un public de plus en plus nombreux (selon Médiamétrie, 44.8 millions de Français sont désormais connectés à internet) et satisfait des besoins de plus en plus variés, de la mise en réseau de la recherche, au commerce à distance en passant par les services administratifs en ligne ou la communication et le partage de fichiers, photos, documents entre particuliers, sans oublier les utilisations malveillantes (spams), frauduleuses.
Internet, au-delà de la communication classique, autorise le choix entre un système passif, dans lequel il est possible de consulter un nombre infini de sites pour y recueillir des informations, et un système actif, dans lequel il est possible de donner une opinion, de passer des commandes, de jouer en ligne, de créer son propre site, de communiquer en direct avec un ou plusieurs interlocuteurs simultanément par écrit et/ou par la voix et/ou par l’image.
On a ainsi vu apparaître de nouvelles règles du jeu par essence internationales et de nouveaux enjeux comme la protection de la vie privée, la sécurisation des données, l’information et la défense des cyberconsommateurs.
Dans ce contexte, la loi pour une République Numérique tend à mieux protéger nos données personnelles sur internet, et prévoit:
Le droit à la libre disposition de ses données personnelles
Ce principe s’illustrera par plusieurs mesures concrètes, telles que la confidentialité des correspondances électroniques. Les courriels et autres services de correspondance privée électronique seront ainsi aussi confidentiels qu’une lettre postale, sauf si l’usager a donné son consentement pour des traitements automatisés statistiques ou visant à améliorer le service qui lui est rendu. Ce consentement devra en outre être régulièrement renouvelé.
Une meilleure information des victimes d’infractions à la loi Informatique et Libertés
La CNIL pourra ordonner aux responsables de manquements à la loi Informatique et Libertés qu’ils «informent individuellement» de leur condamnation (et à leur frais) chacune des personnes concernées par leurs infractions. Cela signifie que vous pourriez prochainement être averti qu’un site s’est malencontreusement fait dérober l’adresse mail et le mot de passe que vous lui aviez confié.
Une augmentation des pouvoirs de sanction de la CNIL
Le montant maximum des amendes pouvant être infligées par la Commission nationale de l’informatique et des libertés passe de 150 000 euros, à trois millions d’euros. Il ne s’agit cependant que d’une phase de transition avant l’entrée en vigueur du règlement européen sur les données personnelles. À partir du 25 mai 2018, l’autorité administrative indépendante pourra effectivement aller jusqu’à 20 millions d’euros (ou, pour les entreprises, 4 % de leur chiffre d’affaires annuel mondial).
Le respect du droit à l’image
Tout internaute qui publiera sans l’accord de la personne concernée des photos intimes pourra être condamné à deux ans de prison et 60 000 euros d’amende. A noter que la loi prévoit la mise en place d’un module relatif à la lutte contre le cyber harcèlement, intégré dans la formation des élèves et des enseignants.
Le droit de récupération de ses données
La loi pour une République Numérique établit la portabilité des données. À compter du 25 mai 2018, les prestataires de courriers électroniques seront tenus de permettre la migration des courriels et listes de contacts d’un utilisateur quand il souhaite changer de service. Par exemple, yahoo devra vous permettre de migrer vos mails vers gmail, si vous décidez de migrer vers ce service de messagerie, et vice versa. Idem si les internautes souhaitent récupérer des fichiers et données qu’ils ont mis en ligne sur des services tels que iTunes, Facebook, Deezer, Flickr, YouTube…
Le devoir de loyauté des moteurs de recherche
Les moteurs de recherche tels que Google et Bing devront fournir « une information loyale, claire et transparente » à leurs utilisateurs, notamment quant à leurs « modalités de référencement, de classement et de déréférencement des contenus ». L’ARCEP, le gendarme des télécoms, procédera à des évaluations et pourra épingler publiquement les mauvais élèves.
Une régulation des avis en ligne
La loi prévoit une régulation des avis en ligne, qui constituent aujourd’hui une des principales sources d’information des internautes. Un décret d’application devrait sortir dans les prochains mois pour préciser les contours de cette régulation. Actuellement un groupe de travail du Conseil National de la Consommation est en cours pour établir une liste d’informations qui devront être fournies à l’internaute permettant de vérifier le degré de crédibilité des avis disponibles sur un site internet donné.
Le droit à l’oubli pour les mineurs
Les jeunes, ultra-connectés et pas toujours conscients des risques auxquels ils s’exposent, pourront faire effacer leurs données personnelles grâce à une procédure accélérée spécifique. Tout d’abord, il faudra réclamer, auprès du site hébergeur, la suppression de photos ou de vidéos mises en ligne avant que l’on ait atteint l’âge de 18 ans. En cas de difficulté à obtenir l’effacement de données publiées, il sera possible de saisir la CNIL qui statuera dans un délai de 15 jours.
Le droit à la mort numérique
La loi va permettre aux internautes de prendre des dispositions concernant l’utilisation de leurs comptes sur les services Internet après leur décès, ainsi que le devenir de leurs données personnelles. Un héritier de ces données personnelles pourra ainsi être désigné, afin qu’il puisse accéder et supprimer les comptes du défunt sur les réseaux sociaux, mais aussi récupérer ses «biens numériques » et « données s’apparentant à des souvenirs de famille », de type photos et échanges de mails.
Le droit au maintien de la connexion à Internet
Les foyers en difficulté de paiement de leurs factures internet pourront bénéficier, comme pour l’eau ou l’électricité, d’une aide financière du fonds de solidarité universel logement. Leur connexion sera maintenue par leur fournisseur d’accès d’internet, le temps de l’instruction de leur demande d’aide. Les opérateurs seront en revanche autorisés à en restreindre l’usage « sous réserve de préserver un accès fonctionnel aux services de communication au public en ligne et aux services de courrier électronique ».
La neutralité du net
La loi inscrit dans la législation française le principe de neutralité du net, garantissant la non-discrimination d’accès au réseau en fonction des services par les fournisseurs d’accès. Concrètement, les opérateurs ne pourront pas, par exemple, offrir un internet plus lent à certains clients, et un débit plus rapide à d’autres. L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) sera chargée de veiller au respect de ce principe et se voit doter des moyens juridiques nécessaires à son action (pouvoir de sanction notamment).
La loi pour une République Numérique devrait aussi permettre une meilleure accessibilité du net aux malentendants par l’ensemble des sites des administrations publiques mais aussi par les grandes entreprises telles que les enseignes de distribution puisqu’elles devront proposer des services après-vente téléphoniques et des matériels accessibles aux personnes malentendantes (exemple : chat vidéo en langue des signes). Notons également la reconnaissance de l’e-sport, avec la légalisation les compétitions physiques de jeux vidéo, mais aussi un encadrement plus poussé des plateformes collaboratives. Ces dernières feront l’objet d’un prochain article, dès que les décrets d’application seront publiés.
Pour en savoir plus : http://www.economie.gouv.fr/republique-numerique