I / La situation de surendettement
Selon l’article L711-1 du code de la consommation : « Le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi.
La situation de surendettement est caractérisée par l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir. Le seul fait d’être propriétaire de sa résidence principale dont la valeur estimée à la date du dépôt du dossier de surendettement est égale ou supérieure au montant de l’ensemble des dettes non-professionnelles exigibles et à échoir ne fait pas obstacle à la caractérisation de la situation de surendettement. L’impossibilité de faire face à un engagement de cautionner ou d’acquitter solidairement la dette d’un entrepreneur individuel ou d’une société caractérise également une situation de surendettement ».
Cet article précise qu’un propriétaire occupant ne peut se voir refuser le bénéfice de la procédure de surendettement au motif que « la valeur de son bien immobilier est supérieur ou égale au montant total de ses dettes ».
Autrement dit une personne est dans une situation de surendettement lorsqu’elle n’arrive plus de façon durable à rembourser ses mensualités de crédits ou à supporter ses charges courantes et ce, même si elle est propriétaire occupant de son logement principal.
Attention, si vous êtes surendetté(e) n’aggravez pas votre situation en souscrivant de nouveaux crédits.
Le retrait du dossier
Le dossier de surendettement peut être téléchargé sur le site de la banque de France ou directement via ce formulaire. Vous pouvez également le retirer sur place auprès de la banque de France de votre domicile. Pour le remplir, vous pouvez vous faire aider par une association de défense des consommateurs ou un travailleur social.
Vous pouvez également remplir votre dossier en ligne en vous connectant sur votre espace personnel via votre compte FranceConnect.
II / Le dépôt du dossier de surendettement
1) Les personnes éligibles à la procédure
Toute personne physique dans l’incapacité de rembourser ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir, peut déposer un dossier aux fins de traitement de sa situation de surendettement.
La recevabilité du dossier est soumise à plusieurs conditions cumulatives :
- être un particulier et non un professionnel (les indépendant, dirigeant, personnes exerçant une profession libéral, artisan, commerçant, agriculteur sont exclus de la procédure). Les entrepreneurs individuels à responsabilité limitée (EIRL) peuvent aussi bénéficier de cette procédure s’ils ont procédé à une déclaration de constitution de patrimoine affecté conformément à l’article L.526-7 du code de commerce, et si l’origine des dettes est uniquement non professionnelle.
- être dans l’impossibilité de payer ses charges et/ou de rembourser ses emprunts en cours ou à venir, le surendettement doit donc être avéré ;
- être de bonne foi (ex : ne pas avoir organisé son insolvabilité, ne pas dissimuler tout ou partie de son patrimoine…).
2) L’exclusion de certaines dettes
La procédure de surendettement ne peut pas concerner les dettes alimentaires, les réparations pécuniaires allouées aux victimes dans le cadre d’une condamnation pénale (dommages et intérêts), et les amendes prononcées dans le cadre d’une condamnation pénale. De même, les dettes « ayant pour origine des manœuvres frauduleuses commises au préjudice des organismes de protection sociales » (exemple trop perçu d’allocations de la CAF suite à une déclaration mensongère) sont exclues de toute remise, de tout rééchelonnement ou effacement. Malgré tout, elles sont prises en compte pour évaluer la situation de surendettement du débiteur.
Bon à savoir : Un débiteur français domicilié à l’étranger peut déposer un dossier de surendettement s’il a contracté des dettes auprès de créanciers établis en France.
Attention : Le dépôt du dossier de surendettement entraîne le fichage immédiat du débiteur au Fichier national des Incidents de remboursements des Crédits aux Particuliers (FICP) qui peut être consulté par tous les établissements bancaires et de crédits.
La situation de couple
Si le débiteur est marié(e), pacsé(e) ou en concubinage, il n’est pas tenu de déposer un dossier avec son conjoint. Toutefois, des informations complémentaires relatives à la contribution de son conjoint aux charges courantes du ménage seront demandées afin d’apprécier la quote-part du débiteur dans les dépenses communes.
Lorsque le conjoint exerce une profession soumise à une procédure spécifique pour le traitement du surendettement (commerçants, entrepreneurs individuels, professions libérales…), le dépôt seul est de droit.
III / Le traitement du surendettement
Le traitement du dossier de surendettement relève de la commission du surendettement des particuliers dont le secrétariat est assuré par la banque de France. Il en existe au moins une dans chaque département.
La commission vérifie que le débiteur est éligible à la procédure de surendettement (selon les critères de recevabilité du dossier ci-dessus énoncés).
Puis, si le dossier est jugé recevable, la commission peut soit proposer ou imposer des mesures ou une procédure de rétablissement personnel avec ou sans liquidation judiciaire.
1) La décision de recevabilité
La décision de recevabilité suspend automatiquement pour un délai de 2 ans au plus les procédures de saisies autres que celles liées aux obligations alimentaires.
De même, la commission peut saisir le juge du tribunal judiciaire aux fins de suspension des mesures d’expulsion du logement du débiteur. Si la situation du débiteur l’exige, le juge prononce la suspension provisoire des mesures d’expulsion de son logement.
En cas de saisie immobilière, lorsque la vente forcée du bien a été ordonnée, le report de la date de l’adjudication relève du juge de la saisie immobilière saisi par la commission pour causes graves et dûment justifiées.
Concernant les banques, elles ont l’interdiction de procéder au remboursement intempestif du découvert, de supprimer tous les moyens de paiement et de percevoir des frais ou commissions suite à un rejet de prélèvement.
En outre, les dettes incluses dans le dossier ne peuvent plus produire d’intérêts ou générer des pénalités de retard et ce, jusqu’à la mise en œuvre du plan (plan conventionnel de redressement, mesures imposées, procédure de rétablissement personnel avec ou sans liquidation judiciaire).
Enfin, la décision de recevabilité emporte rétablissement des aides au logement (AL, APL) versées directement au bailleur.
S’agissant du débiteur, il lui est fait interdiction de régler ses dettes nées antérieurement à la décision de recevabilité et d’aggraver sa situation.
La décision de recevabilité est notifiée au débiteur et aux créanciers. A l’inverse, la décision d’irrecevabilité est notifiée au débiteur seul. Elle peut être contestée dans un délai 15 jours qui suivent sa notification devant le juge des contentieux de la protection du lieu où réside le débiteur par déclaration remise ou adressée par lettre recommandée avec accusé de réception au secrétariat de la commission.
Le juge tranche définitivement sur la demande. S’il déclare la demande recevable, l’instruction du dossier par la commission de surendettement se poursuit. S’il déclare la demande irrecevable, la procédure prend fin.
2) L’état détaillé des dettes ou état du passif
La commission dresse un état détaillé des dettes du débiteur, au vu de sa déclaration. Les créanciers ont un délai de 30 jours pour le contester. Passé ce délai, il est établi sur la base des éléments fournis par le débiteur.
Le débiteur informé par la commission de l’état de son passif dispose de 20 jours pour demander à la commission la saisine du juge des contentieux de la protection pour vérifier la validité et le montant des créances.
3) L’orientation du dossier de surendettement
La commission dispose de 3 mois pour se prononcer sur l’orientation du dossier de surendettement. Si, au terme de ce délai, la commission ne s’est pas prononcée, le taux d’intérêt applicable à tous les emprunts en cours contractés par le débiteur est, au cours des trois mois suivants, le taux de l’intérêt légal, sauf décision contraire de la commission ou du juge intervenant au cours de cette période (article L721-2 du code de la consommation).
IV / Les mesures de traitement du surendettement
1) Le plan conventionnel de redressement
Depuis le 1er janvier 2018, le plan conventionnel de redressement est réservé au débiteur qui est propriétaire d’un bien immobilier (article L732-1 du code de la consommation). Dans ce cas, la commission s’efforce de concilier les parties en vue d’élaborer un plan conventionnel de redressement.
Ce plan peut comporter des mesures de report ou de rééchelonnement, de remise des dettes, de réduction ou de suppression du taux d’intérêt, de consolidation, de création ou de substitution de garantie.
Il est adressé aux parties par lettre recommandée avec avis de réception. Le créancier dispose d’un délai de 30 jours pour se prononcer. Passé ce délai, le silence vaut acceptation et le créancier est réputé avoir accepté le plan.
La durée totale du plan, y compris lorsqu’il fait l’objet d’une révision ou d’un renouvellement, ne peut en principe excéder 7 ans, sauf en présence de prêts immobiliers finançant l’acquisition de la résidence principale du débiteur. Ces prêts pourront bénéficier de réaménagements plus longs si la mise en place du plan permet d’en éviter la vente.
En cas d’échec de la proposition de plan amiable, le débiteur peut solliciter la mise en place de mesures imposées.
Bon à savoir : En cas de changement significatif de votre situation en cours d’exécution du plan (perte d’emploi, divorce, maladie etc…), vous devez déposer un nouveau dossier de surendettement. La commission examinera alors s’il est justifié ou non de revoir le plan.
Attention : En cas de non-respect du plan et des conditions de remboursement, celui-ci devient caduc après une mise en demeure restée infructueuse. Les créanciers peuvent à nouveau engager des poursuites.
2) Les mesures imposées
La commission peut imposer des mesures applicables aux créanciers et au débiteur parmi lesquelles :
1° Rééchelonner le paiement des dettes de toute nature
2° Imputer les paiements d’abord sur le capital
3° Prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées ou rééchelonnées porteront intérêt à un taux réduit qui peut être inférieur au taux de l’intérêt légal
4° Suspendre l’exigibilité des créances autres qu’alimentaires pour une durée qui ne peut excéder deux ans.
Bon à savoir : lorsque le dossier de surendettement comprend une dette locative, elle est réglée prioritairement aux dettes de crédit (article L711-6 du code de la consommation).
La commission peut également imposer par décision spéciale et motivée les mesures suivantes :
1°la réduction du prêt immobilier après la vente forcée ou amiable du logement principal du débiteur
2° L’effacement partiel des créances combiné avec les mesures mentionnées à l’article L. 733-1 (rééchelonnement des dettes, imputation du paiement sur le capital, moratoire de deux ans…).
Attention, les créances dont le montant a été payé au lieu et place du débiteur par la caution ou le coobligé, personnes physiques, ne peuvent faire l’objet d’un effacement.
Les mesures imposées sont notifiées aux parties par lettre recommandée ; celles-ci ont 30 jours pour contester lesdites mesures.
Depuis le 1er janvier 2018, les mesures élaborées par la commission de surendettement ne nécessitent plus d’homologation du juge. Elles sont donc exécutoires, sauf en cas de contestation de l’une des parties.
La commission peut également recommander un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire ou saisir le juge aux fins d’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire.
3) La procédure de rétablissement personnel
Si la situation du débiteur est irrémédiablement compromise, il peut bénéficier d’un effacement de toutes ses dettes non professionnelles.
La situation du débiteur est considérée comme irrémédiablement compromise lorsque les perspectives d’amélioration de sa situation, « un retour à meilleure fortune », à moyen terme est peu probable compte tenu sa situation familiale, personnelle et professionnelle.
- La procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire
Ici, le débiteur dont la situation est irrémédiablement compromise ne possède que de meubles nécessaires à la vie courante, ou des biens non professionnels indispensables à l’exercice de son activité professionnelle.
Dès lors, dans cette situation, la commission impose un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. Cette décision a pour effet d’effacer toutes les dettes non professionnelles du débiteur.
Cette décision est notifiée aux parties par lettre recommandée avec avis de réception.
Cette décision est susceptible de recours devant le tribunal judiciaire dans un délai de 30 jours à compter de sa notification soit par déclaration remise ou adressée par LRAR au secrétariat de la commission.
A défaut de contestation, la décision s’impose aux parties, et devient donc irrévocable.
La commission procède à des mesures de publicité au BODACC pour permettre aux créanciers qui n’ont pas été avisés de sa décision de former un recours devant le juge du tribunal.
En cas de contestation de la décision, c’est le juge des contentieux de la protection qui tranche, et sa décision est susceptible d’appel.
- La procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire
Il s’agit ici de l’hypothèse du débiteur dont la situation est irrémédiablement compromise mais qui possède des biens autres que les meubles nécessaires à la vie courante ou des biens non professionnels indispensables à l’exercice de son activité professionnelle ou des biens de valeur marchande.
Le juge saisi aux fins d’ouverture d’une procédure de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire convoque le débiteur et les créanciers connus à l’audience. Le juge, après avoir entendu le débiteur, s’il se présente, et apprécié le caractère irrémédiablement compromis de sa situation ainsi que sa bonne foi, rend un jugement prononçant l’ouverture de la procédure.
Le jugement d’ouverture entraîne, jusqu’au jugement de clôture, la suspension et l’interdiction des procédures d’exécution diligentées à l’encontre des biens du débiteur ainsi que des cessions de rémunération consenties par celui-ci et portant sur les dettes autres qu’alimentaires. Il entraîne également la suspension des mesures d’expulsion du logement du débiteur, à l’exception de celles fondées sur un jugement d’adjudication rendu en matière de saisie immobilière.
Le juge peut désigner un mandataire. Si la situation du débiteur l’exige, il l’invite à solliciter une mesure d’aide ou d’action sociale qui peut comprendre un programme d’éducation budgétaire, notamment une mesure d’accompagnement social personnalisé.
Le greffe procède à des mesures de publicité au BODACC (Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales) pour permettre aux créanciers qui n’auraient pas été convoqués à l’audience d’ouverture de former tierce opposition à l’encontre du jugement.
Les créances dont les titulaires n’auraient pas formé tierce opposition dans un délai de deux mois à compter de cette publicité sont éteintes.
Le mandataire dresse un bilan de la situation économique et sociale du débiteur, vérifie les créances et évalue les éléments d’actif et de passif. A compter du jugement prononçant l’ouverture de la procédure, le débiteur ne peut aliéner ses biens sans l’accord du mandataire.
Le juge statue sur les éventuelles contestations de créances et prononce la liquidation judiciaire du patrimoine du débiteur, dont sont exclus les biens insaisissables ainsi que les biens dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale et les biens non professionnels indispensables à l’exercice de l’activité professionnelle du débiteur.
Le juge désigne un liquidateur qui peut être le mandataire. Le jugement qui prononce la liquidation emporte de plein droit dessaisissement du débiteur de la disposition de ses biens. Le liquidateur dispose d’un délai de douze mois pour vendre les biens du débiteur à l’amiable ou, à défaut, organiser une vente forcée.
Le liquidateur procède à la répartition du produit des actifs et désintéresse les créanciers suivant le rang des sûretés assortissant leurs créances.
Lorsque l’actif réalisé est suffisant pour désintéresser les créanciers, le juge prononce la clôture de la procédure. Lorsque l’actif réalisé est insuffisant pour désintéresser les créanciers, le juge prononce la clôture pour insuffisance d’actif.
La clôture entraîne l’effacement de toutes les dettes non professionnelles du débiteur, arrêtées à la date du jugement d’ouverture.
Notre conseil : Il ne faut pas être effrayé par la procédure. Il s’agit de liquider un patrimoine et non de liquider une vie. N’organisez pas votre insolvabilité ! Vous seriez considérez de mauvaise foi et perdriez le bénéfice de la procédure de surendettement.