Les premières difficultés de règlement du loyer et des charges doivent être prises au sérieux. En effet, en cas d’impayé, le locataire encourt la résiliation de son bail et, in fine, l’expulsion de son logement.
La résiliation judiciaire du contrat de bail peut également être encourue à l’initiative du bailleur pour défaut d’assurance contre les risques locatifs, troubles de voisinage ou délivrance d’un congé pour reprise ou vente.
1ère étape : le commandement de payer
Selon l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, « la clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux ».
Le commandement de payer est signifié par huissier et constitue le premier acte de la procédure. Il doit préciser un certain nombre d’informations notamment le décompte de la dette, le délai de deux mois pour régulariser l’impayé, le montant du loyer et des charges, la faculté pour le locataire de saisir le Fonds de Solidarité au logement dont les coordonnées sont précisées ou encore, la possibilité de saisir, à tout moment, la juridiction compétente pour demander un délai de grâce sur le fondement de l’article 1343-5 du code civil etc.
Attention le commandement de payer doit respecter un certain formalisme, à défaut, il encourt la nullité.
Il doit également être signifié à la caution dans un délai de 15 jours à compter la signification au débiteur. A défaut, la caution ne peut être tenue aux éventuelles pénalités de retard ou intérêts de retard.
Le débiteur peut donc régulariser la situation pendant ce délai de deux mois en réglant les arriérés.
A défaut de règlement pendant cette période, il est convoqué devant le tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble.
2ème étape : l’audience au tribunal judiciaire
C’est le juge des contentieux de la protection qui est compétent en matière de baux d’habitation.
L’audience auprès du tribunal judiciaire (généralement en référé lorsque le bail contient une clause résolutoire) n’a lieu que si le débiteur n’a pas pu apurer sa dette dans le délai de 2 mois.
Devant ce tribunal l’avocat n’est pas obligatoire : le locataire peut donc se présenter seul. Néanmoins, il peut se faire représenter par un avocat via l’aide juridictionnelle (totale ou partielle) sous conditions de ressources.
De même, s’il dispose d’un contrat d’assurance de protection juridique, son assureur peut désigner un avocat pour le représenter à l’audience.
Au cours de cette audience, le juge peut accorder des délais de paiement de 3 ans maximum (article 24-V loi du 6 juillet 1989). Le locataire qui respecte ce délai se libère ainsi de sa dette. La clause résolutoire est privée d’effet et est réputée n’avoir jamais joué.
Concrètement, le juge des référés prononce l’acquisition de la clause résolutoire insérée dans le bail mais en suspend les effets pendant les délais de paiement. Le jugement précise qu’à défaut d’honorer le paiement du loyer courant ainsi qu’un montant déterminé pour apurer la dette dans le délai fixé par le juge, la clause résolutoire reprend pleinement effet et l’expulsion peut être prononcée et ceci, sans que le bailleur n’ait besoin de saisir à nouveau le tribunal.
La déchéance du terme du contrat de bail est alors prononcée et rend exigible l’intégralité de l’arriéré locatif et du loyer courant.
L’ordonnance indique également s’il échoit ou non au locataire de s’acquitter des frais du commandement de payer.
En cas de résiliation du bail, le locataire devient alors un occupant sans droit ni titre et verse des indemnités d’occupation jusqu’à la remise effective du logement au bailleur.
Bon à savoir : Si le débiteur a un dossier de surendettement, il peut solliciter en urgence à la commission de surendettement la saisine du juge pour la suspension de la mesure d’expulsion. Toutefois, ce sursis ne peut excéder deux ans (articles L722-7 et L722-9 du code de la consommation).
En cas de dépôt du dossier de surendettement, si celui-ci contient des dettes locatives, la décision de recevabilité prononcée par la commission de surendettement, ou en cas de recours, par le juge d’instance emporte rétablissement des aides au logement (APL, AL).
La loi ELAN du 23 novembre 2018 coordonne désormais la procédure de surendettement et la procédure d’expulsion afin d’éviter la contradiction entre les mesures prises par la commission de surendettement et la décision du juge des contentieux de la protection.
- La décision du juge intervient après le dépôt du dossier de surendettement
Lorsque suite au dépôt de son dossier de surendettement, le débiteur est assigné devant le tribunal, le juge vérifie auprès du débiteur de l’existence d’une procédure de surendettement et l’invite à en fournir tous les éléments. Puis, dans son jugement, il tient compte du plan décidé par la commission.
Ainsi, dans le cas où la commission a mis en place un plan d’apurement de la dette, dans le cadre de mesures imposées ou recommandées, le juge s’aligne sur ces mesures. Elles seront identiques à celles élaborées par la commission.
Dans le cas où la commission a imposé un moratoire (période pendant laquelle l’exigibilité de la dette est suspendue) le juge, là encore s’aligne sur cette mesure et accorde le même délai qu’il prolonge de 3 mois pour permettre au débiteur de saisir à nouveau la commission à l’issue du plan.
En l’absence de redépôt du dossier de surendettement, celui-ci est clôturé et la clause résolutoire jusqu’alors suspendue, reprend effet.
Enfin, si la commission a décidé de l’effacement total de toutes les dettes non professionnelles dans le cadre de la procédure de rétablissement personnel avec ou sans liquidation judiciaire, la clause résolutoire est suspendue pendant deux ans.
En revanche, si la commission a déclaré le dossier recevable sans avoir encore pu mettre en place des mesures, le juge accorde alors des délais de paiement jusqu’à ce que la commission de surendettement élabore lesdites mesures.
Mais attention, ces dispositions ne concernent que la dette locative. Le locataire est tenu de régler son loyer courant et ses charges. A défaut, la procédure d’expulsion reprend et la clause résolutoire jusqu’alors suspendue reprend son plein effet.
- La décision du juge intervient avant le dépôt du dossier de surendettement
Le débiteur qui se voit accorder des délais de paiement par le juge des contentieux de la protection est ainsi tenu d’apurer sa dette locative selon les modalités fixées par ce dernier.
En cas de recevabilité de son dossier de surendettement, la commission imposera des mesures qui se substitueront à la décision rendue par le juge (article L714-1 du code de la consommation).
En cas de désaccord, le bailleur conserve la possibilité de contester la décision de la commission, quelle que soit la solution dégagée (suspension de l’exigibilité de la créance, procédure de rétablissement personnel avec ou sans liquidation judiciaire).
3ème étape : le commandement de quitter les lieux
L’huissier de justice délivre le commandement de quitter les lieux au locataire et à tous les occupants de son chef dans un délai de deux mois à compter de la signification. En parallèle, le commandement de quitter les lieux est notifié au Préfet par lettre recommandée avec avis de réception ce qui fait courir un nouveau délai de 2 mois.
Le locataire peut, là encore, obtenir des délais de 3 mois minimum à 3 ans au maximum pour organiser son relogement si l’expulsion présente « des conséquences d’une exceptionnelle dureté » (article L412-4 du code des procédures civiles d’exécution).
Pour ce faire, il lui appartient de saisir le juge de l’exécution auprès du tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble par lettre recommandée avec avis de réception. Le juge peut accorder de nouveaux délais en tenant compte de l’âge du locataire, de sa situation financière et de famille, de sa bonne foi, des diligences qu’il a effectuées en vue de son relogement etc.
4ème étape : l’expulsion du logement et le concours de la force publique
Rien n’empêche au locataire de quitter le logement avant la date prévue pour l’expulsion.
S’il ne le fait pas, le jour dit, l’huissier de justice procède à son expulsion entre 6h et 21h.
Les meubles restés dans le logement sont inventoriés (via un procès-verbal) puis entreposés dans un local dont les coordonnées sont précisées au locataire. Puis l’huissier de justice récupère les clés du logement.
Si le locataire refuse de partir, l’huissier de justice dresse un procès-verbal de tentative d’expulsion. Il fait alors appel au commissaire de police.
En cas d’absence du locataire, l’huissier, accompagné du commissaire de police et d’un serrurier, se fait ouvrir la porte. Il rédige un PV d’expulsion, dresse l’inventaire des meubles qui sont éventuellement dans le logement. Ceux-ci sont enlevés et entreposés. Enfin, l’huissier de justice demande au serrurier de changer la serrure.
Dans l’hypothèse où le locataire ne quitte pas volontairement les lieux, le bailleur peut solliciter le Préfet pour lui demander le concours de la force publique.
Le Préfet dispose d’un délai de deux mois pour faire connaître sa décision. En cas de refus, (il est tenu de motiver sa décision), le bailleur peut demander une indemnisation (des dommages et intérêts) à l’Etat pour le préjudice lié au maintien dans les lieux de l’occupant sans droit ni titre.
Celle-ci prend la forme d’un recours devant le tribunal administratif.
Bon à savoir : La trêve hivernale est la période qui court entre le 1er novembre au 31 mars pendant laquelle le locataire ne peut pas être expulsé. Attention, ce dispositif ne s’applique pas aux locataires dont l’immeuble a fait l’objet d’un arrêté de péril ou à ceux qui peuvent bénéficier d’un relogement correspondant à leurs besoins ou encore aux squatters.
Bon à savoir : le propriétaire d’un bien immobilier peut également faire l’objet d’une expulsion dans le cadre de l’adjudication de son bien (la procédure de vente aux enchères).
Ainsi à compter de l’adjudication prononcée par le tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble, le propriétaire défaillant doit quitter les lieux. A défaut, il peut en être expulsé.
Notre conseil : Dès le premier impayé, réagissez et rapprochez-vous de votre bailleur pour mettre en place un échéancier, de votre centre d’action sociale, de la CAF etc. La pire des solutions est de ne rien faire !