Le gouvernement souhaite réduire la durée de validité des chèques courant 2016. Avec en toile de fond l’idée d’inciter à l’abandon d’un moyen de paiement encore largement utilisé en France.
En 2013, les chèques représentaient 13 % des paiements contre 17 % en 2011. Il y a 10 ans, ils représentaient la moitié des paiements et près de 70 % en 1984.
Le chèque continue donc de baisser au profit d’autres moyens de paiement scripturaux (notamment la carte ou encore le télérèglement). Il connaît ainsi en 2013 un recul de 7 % en volume par rapport à 2012 pour atteindre 2,6 milliards de transactions, soit 14 % des paiements scripturaux. Le chèque est désormais le quatrième moyen de paiement le plus utilisé derrière la carte, les prélèvements et les virements.
En France, c’est donc la carte bancaire qui reste l’instrument de paiement le plus utilisé puisqu’elle représente 49,5% des paiements. C’est aussi le moyen de paiement qui progresse toujours plus rapidement que les autres moyens de paiement (+ 5,7 % en 2013) (1)
Plusieurs raisons peuvent l’expliquer :
D’abord, selon l’article L131-31 du code monétaire et financier le chèque est payable a vue, c’est à dire qu’il doit être payé dès sa présentation.
Néanmoins, le tireur doit veiller à garder la provision disponible sur son compte bancaire tant que le chèque n’a pas été mis à l’encaissement par le bénéficiaire. De fait, lorsque le chèque revient impayé pour insuffisance ou défaut de provision sur le compte bancaire, le tireur encourt une interdiction d’émettre des chèques pour une durée de 5 ans (article L131-73 du code monétaire et financier).
Or, il n’est pas rare que le chèque soit déposé tardivement par le bénéficiaire si bien que le tireur peut avoir oublié l’avoir émis et de la sorte ne pas avoir la provision disponible sur son compte au moment où celui-ci est déposé par le bénéficiaire.
Ensuite, lors du dépôt du chèque, celui-ci est porté automatiquement et provisoirement au crédit du compte bancaire du bénéficiaire. Cette opération se fait au plus tard par la banque du tiré un jour ouvré après son enregistrement (article L131-1-1 du code monétaire et financier). Par la suite, la banque du bénéficiaire le transmet à la banque de l’émetteur pour se faire payer. C’est à ce stade que l’établissement bancaire peut découvrir que le chèque a été volé, que le compte du tireur n’est pas approvisionné ou que celui-ci est clôturé.
En d’autres termes, la banque ne procède aux vérifications qu’a posteriori. Le bénéficiaire n’a donc pas la certitude qu’il obtiendra le paiement effectif de son chèque. Pire, si le chèque revient impayé et que le bénéficiaire a utilisé les fonds portés provisoirement au crédit de son compte bancaire, il sera alors redevable auprès de sa banque du montant utilisé ainsi que tous les frais que cette situation a pu entraîner.
En cela, le paiement par chèque constitue un inconvénient en comparaison à la carte bancaire dont le paiement est irrévocable, qu’il soit immédiat ou différé.
En outre, le paiement par chèque n’est pas accepté par tous les commerçants. Ceux-ci peuvent en effet refuser le règlement par chèque ou l’accepter sous certaines conditions soit à partir d’un certain montant ou en deçà d’un certain montant.
Certes, cette restriction dans l’utilisation du chèque est précisée par le professionnel par voie d’affichage, mais il n’en demeure pas moins que l’usage du chèque se trouve ainsi restreint.
En l’espèce, l’ensemble de ces facteurs peuvent contribuer à un usage moins fréquent du chèque. Cependant, il faut garder à l’esprit que le chèque est un moyen de paiement gratuit pour le consommateur. A l’inverse, la carte bancaire elle est facturée au client.
L’utilité du chèque n’est pas contestable d’autant qu’il convient de relever que, depuis le 1er septembre 2015(2), le paiement en espèces est désormais plafonné à 1000€ lorsque le consommateur (dont le domicile fiscal est situé en France) effectue un règlement en contrepartie d’une prestation ou d’un bien auprès du commerçant ou du professionnel (auparavant, ce seuil était fixé à 3000€). Dès lors, pour des paiements d’un montant élevé, le chèque est une bonne alternative et reste utile pour le consommateur.
De surcroît, même s’il reste un moyen de paiement qui n’échappe pas à la fraude (chèques falsifiés, contrefaits, faux …), celle-ci est moins élevée que celle liée à la carte bancaire, à proportion égale.
En conclusion, la réduction de la durée de validité du chèque de 1 an à 6 mois ne s’inscrit pas comme une réforme allant à l’encontre des intérêts des consommateurs que nous défendons.
Toutefois, nous espérons que celle-ci ne prélude pas, à terme, la « mort » du chèque. En effet, les établissements bancaires ne plébiscitent pas ce moyen de paiement d’une part, en raison de sa gratuité, et d’autre part, parce qu’il les contraint à effectuer des vérifications (même a posteriori telle par exemple la conformité de la signature), soit une charge de travail qui ne serait pas compensée financièrement.
Or, nous estimons que le client supporte déjà suffisamment de frais bancaires de sorte qu’il n’y a pas lieu de lui en imposer de nouveaux.
L’ALLDC n’est donc pas défavorable à cette réforme mais sera attentive à ce que le chèque demeure un moyen de paiement mis gratuitement à la disposition du consommateur.
[1] Banque de France, cartographie des moyens de paiement scripturaux, bilan de la collecte 2014. [2] Décret n°2015-741 du 24 juin 2015 pris en application de l’article L112-6 du code monétaire et financier