Dans un contexte d’augmentation continue des coûts de l’énergie, le Médiateur National de l’Energie déclarait, le 10 novembre dernier, qu’il était favorable à « à la mise en place d’un droit à une alimentation minimale en électricité pour les foyers les plus précaires ». Dans cette période d’inflation, les plus fragiles sont les premières victimes de cet emballement des prix de l’énergie.
Selon les chiffres du Médiateur National de l’Energie, 200 000 à 300 000 foyers français voient chaque année leur fourniture d’électricité coupée, en raison d’impayés.
A ce jour, les foyers les plus précaires ne connaissent un répit que durant la période de la trêve hivernale, car Enedis ne peut procéder à des coupures entre le 1er novembre et le 31 mars de chaque année. Cependant, rien n’empêche les fournisseurs d’en faire la demande le reste de l’année.
Dans notre société industrialisée, nul n’ignore que l’électricité représente un bien de première nécessité et est indispensable dans tous les foyers.
Cette demande du Médiateur National de l’Energie a été entendue par EDF qui cessera de demander la coupure de l’électricité pour les particuliers en situation d’impayés, et procèdera à partir du 1er avril 2022, à la limitation de la puissance à 1 kilovoltampère (kVA), qui permet d’avoir accès à des usages essentiels, tels que l’éclairage, le fonctionnement d’équipements de cuisine – comme le réfrigérateur – ou encore la recharge d’appareils électroniques.
Si cette solution doit être saluée, elle ne sera pas suffisante pour régler la situation des 12 millions de français, victimes de précarité énergétique, et qui demeurent dans des logements mal isolés et/ou décident par nécessité financière de moins se chauffer. Ces ménages sont souvent équipés avec des chauffages électriques d’appoint énergivores qu’ils ne pourront plus utiliser avec une puissance électrique réduite.
Au-delà de la définition d’un droit à une alimentation minimale en énergie, il nous paraît important, dans le même temps, que la fiscalité du secteur de l’énergie soit repensée.
Les mesures prises récemment par le gouvernement pour limiter la hausse des coûts de l’énergie (indemnité de 100 euros pour les 38 millions de français gagnant jusqu’à 2000 euros nets par mois, gel des prix du gaz jusqu’à fin 2022, hausse limitée à 4% des prix de l’électricité en février 2022 par une baisse décidée des taxes) sont conjoncturelles et ne pourront perdurer encore des années. D’autant que la France n’a pas vraiment la maîtrise du cours des marchés mondiaux du gaz et de l’électricité.
A notre sens, il serait plus pertinent de réfléchir à une véritable réforme de la fiscalité et appliquer la TVA réduite de 5.5% sur l’ensemble des postes des factures d’électricité et de gaz des particuliers.
Il nous parait en effet aberrant que le taux de TVA sur la consommation de gaz naturel et de produits pétroliers soit de 20%, alors que le prix de l’abonnement, en général moins de 20 euros par mois, se voit appliquer un taux réduit à 5,5%.
Concernant le taux de TVA de l’électricité, ce dernier varie selon la puissance souscrite, et crée de fait des inégalités de traitement, entre ceux qui souscrivent une puissance inférieure ou égale à 36 kVA et ceux qui souscrivent une puissance supérieure.
En effet, les clients optant pour une puissance inférieure à 36 kVA se voient appliquer le taux réduit de 5,5%) sur l’abonnement HT et sur la Contribution Tarifaire d’Acheminement (CTA) et le taux plein (20%) sur le prix de l’énergie HT et sur les autres taxes. Alors que les clients optant pour une puissance supérieure à 36Kva se voient appliquer le taux plein de 20 % sur l’ensemble de la facture.
Pour que se chauffer en hiver, se déplacer, et vivre décemment soit réellement accessible à tous, il faut agir à différents niveaux : traiter les causes en agissant sur la consommation, notamment au travers de la performance énergétique des logements, des appareils ; proposer une aide suffisante au paiement de la facture énergétique pour les ménages en situation de précarité, notamment avec le chèque énergie, et agir rapidement en réformant la fiscalité appliquée à ce produit de première nécessité.
Ces questions reviennent régulièrement dans le débat public, notamment en période hivernale ou lors d’une augmentation tarifaire. Comme il existe depuis quelques années, un droit au logement opposable, compte tenu de sa nature particulière, de son caractère essentiel, il est selon nous, souhaitable de définir le droit à une alimentation minimale en énergie pour tous. Si la situation reste en l’état, l’énergie risque d’être pour la plupart des français, un produit de luxe réservé à une catégorie de privilégiés.