Longtemps épargné par le phénomène, l’Europe voit apparaitre depuis quelques semaines une nouvelle pratique commerciale lors de la mise en vente des billets de concert d’artistes internationaux : la tarification dynamique. Ce modèle de tarification fait évoluer le prix des billets en fonction de la demande. Avec ce système, les prix des places de concert les plus prisées flambent. A titre d’illustration, lors de la vente des billets pour les concerts d’Oasis au Royaume Uni, les places initialement annoncées à 135 livres sterling ont pu atteindre le prix de 350 livres sterling. La France n’est pas en reste, car le leader du marché de la billetterie en ligne, Ticketmaster vient de lancer sur ce principe l’offre platinium. Mais cette pratique est-elle légale ?
On le sait, aujourd’hui, les artistes tirent désormais une grande part de leurs revenus des concerts. Pour lutter contre le marché noir et la revente des places de concert à plusieurs centaines d’euros au profit des revendeurs et non des artistes et (surtout) de leurs producteurs, le leader du marché Live Nation et sa plateforme de billetterie en ligne, Ticketmaster pensent avoir trouvé la parade avec l’offre platinium. Ainsi, lors du lancement d’une vente, une partie des billets classiques est réservée à l’offre platimium, soit des prix basés sur ceux du marché. Et non, Il ne s’agit pas de l’offre VIP que l’on connaît tous, où le consommateur bénéficie en plus de sa place de concert des produits ou services proposés par l’artiste (un accès privilégié à la salle de concert, une affiche, un t-shirt etc..). Ici, le consommateur qui achète une place “platinum” bénéficie uniquement d’une place de concert, surement parmi les mieux placées de sa catégorie, mais rien d’autre.
Le système de tarification dynamique est déjà connu des consommateurs, car il est souvent pratiqué dans le secteur du voyage. Dans un même train, ou avion, voire dans un hôtel, il n’est pas rare que les clients ne payent pas le même prix pour un même service, le prix variant en fonction de la date d’achat, du taux d’occupation etc…en résumé en fonction de la demande.
Mais les fans de concert vous le diront, il est de plus en plus difficile aujourd’hui de se procurer une place de concert lors du lancement d’une vente, surtout pour les artistes français ou internationaux les plus connus. Les places partent en général en quelques minutes et ce, plusieurs mois avant la venue de l’artiste, d’où ce sentiment d’incompréhension.
Autre sujet de discorde, l’offre dynamique n’est proposée en France que par un seul opérateur, l’américain Ticketmaster. Les concurrents comme la FNAC en France ne peuvent proposer que les billets classiques lors de la vente générale ; les préventes étant réservées à Ticketmaster.
Or, ne nous leurrons pas, ce système assure avant tout aux producteurs,voire aux artistes, de meilleures ressources. Ainsi, en réservant une partie des places de concert à l’offre platinium, le consommateur n’ayant pas réussi à acheter les places aux prix classiques, par exemple pour le concert de Dua Lipa entre 62 euros et 150 euros, devra s’il souhaite absolument assister au concert, se reporter aux mêmes places ici proposées en version platinium entre 180 euros (catégorie 3) à 320 euros (catégorie Or).
Actuellement, aucune législation spécifique de l’Union européenne n’interdit directement la pratique des prix dynamiques. Cependant, cette tarification est sous surveillance accrue, notamment pour ses effets sur la concurrence lorsque l’offre est monopolisée, comme c’est souvent le cas avec Ticketmaster.
Plusieurs régulateurs en Europe, ainsi que des députés européens, ont appelé à encadrer davantage cette pratique, particulièrement à travers des ajustements du règlement DMA (Digital Markets Act) du 14 septembre 2022 ou du règlement sur les services numériques (DSA) entré en vigueur le 6 mars 2024. L’Union européenne ayant pour objectif avec ces deux textes de mettre fin à la domination de ces géants en leur imposant de nouvelles règles.
En outre, la loi sur la concurrence de l’UE pourrait être appliquée si la pratique est jugée comme un abus de position dominante, ce qui semble être une des pistes d’enquête pour les autorités britanniques et européennes. En fonction des résultats des enquêtes en cours, des amendes ou des régulations plus strictes pourraient être imposées à Ticketmaster, notamment via le Digital Markets Act (DMA), qui vise à réguler les grandes plateformes numériques.
Si aujourd’hui, l’offre platinum de Ticketmaster n’est pas illégale, nous avons espoir que le législateur européen adopte prochainement un nouveau texte pour réguler cette pratique, qui lèse particulièrement les consommateurs, en cette période d’inflation galopante.