Le droit de la concurrence permet l’application de règles garantissant que les entreprises se livrent à une concurrence loyale. La concurrence favorise l’esprit d’entreprise la productivité. Elle permet d’élargir l’offre aux consommateurs, et de faire baisser les prix. La concurrence incite aussi les professionnels se démarquer les uns des autres en innovant, et en améliorant la qualité des produits qu’ils proposent sur le marché.
Les consommateurs se souviennent par exemple de l’ouverture à la concurrence dans le secteur de la téléphonie. La fin du monopole de France télécom, et l’arrivée sur le marché d’autres opérateurs a eu un impact fort sur les services proposés et les prix des abonnements. Plus récemment l’arrivée de free dans le paysage de la des fournisseurs d’accès à internet a permis une concurrence plus forte, des prix à la baisse chez tous les fournisseurs au bénéfice des consommateurs. Aujourd’hui, les consommateurs n’hésitent plus à changer de fournisseurs régulièrement pour obtenir des avantages supplémentaires ou une baisse de leur forfait.
La mondialisation, le progrès technologique et l’internet ont bouleversés les modes de commercialisation avec des acteurs très puissants, et aussi des modes de consommation. Aujourd’hui, plus qu’hier, la concurrence doit être régulée, et cette régulation passe par des règles essentielles de protection des consommateurs.
Dans le cadre de la présidence Française de l’union européenne une journée de réflexion était organisée à Paris autour de cet équilibre fragile mais nécessaire entre le marché et la libre concurrence et la nécessité d’une haute protection des consommateurs.
Au programme, une première table ronde entre les différentes parties prenantes du secteur sur le thème des centrales d’achat, puis une autre sur le besoin d’encadrement du commerce en ligne.
Comme vous le savez, la centrale d’achat est une structure qui permet à plusieurs enseignes de la grande distribution d’acheter de manière groupée et en grande quantité des produits à des prix négociés. Ces produits sont ensuite commercialisés aux consommateurs via des distributeurs différents : Carrefour, Auchan, Leclerc, Aldi… Certaines de ces centrales d’achats sont désormais européennes.
Mais alors, si les prix sont négociés par la centrale d’achat, quid de la concurrence ? Ce sujet est pris très au sérieux par les autorités de la concurrence. En 2018, l’autorité française de la concurrence a demandé à Auchan, Casino, Metro et Schiever, d’une part, et Carrefour et Système U d’autre part de modifier leurs accords afin de respecter les règles de la concurrence. Par ailleurs, en novembre 2021, l’autorité de la concurrence a lancé des opérations de visites et de saisies chez des distributeurs membres des centrales d’achat pour vérifier la disparition définitive des comportements anticoncurrentiels constatés.
La deuxième table ronde portait le boom que connait depuis plusieurs années le commerce en ligne, et la nécessité de l’encadrer pour protéger efficacement les consommateurs du monde entier. En effet, dans cet objectif l’Union Européenne vient d’adopter le Digital MarketAct (DMA). Le parlement et le conseil sont parvenus à un accord politique provisoire s’agissant de la législation sur les marchés numériques. Il a pour objectif de rendre le secteur numérique plus équitable et plus compétitif. Il doit encore être approuvé par le conseil et le parlement européen. Et rentrera en application 6 mois après son entrée en vigueur.
Rappelons que ces dernières années l’Union européenne a été amenée à prononcer des amendes records contre certaines pratiques commerciales néfastes des très grands acteurs du numérique.
Le DMA permettra d’interdire directement ces pratiques et créera un espace économique plus équitable pour les entreprises européennes.
Le DMA définit des règles applicables aux plateformes numériques pour s’assurer qu’aucune d’entre elles ne se trouve en position de «contrôleur d’accès» vis-à-vis d’un grand nombre d’utilisateurs et qu’elles n’abusent de cette position dominante vis-à-vis des autres entreprises d’un même marché. Le texte définit des critères pour qualifier une plateforme de contrôleurs d’accès et liste des obligations qu’elles devront respecter. Il s’agit notamment de :
• Permettre aux utilisateurs de se désabonner des services de la plateforme de base dans des conditions similaires à l’abonnement
• Assurer l’interopérabilité des fonctionnalités de base leurs services de messagerie instantanée
• Informer la Commission européenne des acquisitions et fusions qu’ils réalisent
Ainsi, les plateformes ne pourront plus :
• Classer leurs propres produits ou services de manière plus favorable que ceux des autres acteurs du marché (auto préférence)
• Réutiliser les données personnelles collectées lors d’une prestation pour les besoins d’une autre prestation
• Établir des conditions déloyales pour les utilisateurs professionnels
• Préinstaller certaines applications logicielles
• Imposer aux développeurs d’application l’utilisation de certains services (système de paiement ou fournisseur d’identité par exemple) pour être référencés dans les magasins d’application
Le texte prévoit également des sanctions : Une amende pouvant aller jusqu’à 10 % de son chiffre d’affaires mondial total. En cas de récidive, une amende pouvant aller jusqu’à 20% du chiffre d’affaires mondial pourra être imposée.
Et dans le cas où un contrôleur d’accès adopte un comportement de non-respect systématique du DMA, c’est à dire qu’il enfreint les règles au moins 3 fois en 8 ans, la Commission européenne pourra ouvrir une enquête de marché et, si nécessaire, imposer des mesures correctives comportementales ou structurelles.
C’est la commission européenne qui est l’instance habilitée à faire appliquer le règlement.
Les débats lors de cette journée de réflexion à Bercy furent intéressants pour nous représentants des consommateurs. En adoptant de nouvelles règles pour encadrer les pratiques de ces géants du numériques, l’Union Européenne participe aussi à l’information, la protection et la défense des consommateurs. Il sera intéressant de suivre la mise en œuvre du texte, et ses conséquences sur les acteurs du numérique en Europe.