En octobre dernier, notre association évoquait l’arrivée en France de la tarification dynamique dans la sphère culturelle, et des concerts en particulier, via l’offre platinium de Ticketmaster. Selon notre analyse ce mode de fixation du prix créé de fait une fracture socio-économique pour les consommateurs. Aujourd’hui, l’univers sportif est également touché puisque l’accès à la billetterie des grands événements sportifs se complexifie. Au point de s’interroger : l’accès aux grands événements populaires ne deviendra-t-il pas demain réservé à une élite ?
Aujourd’hui, il est quasiment impossible pour les amateurs de concerts d’obtenir des places lors de la vente générale des artistes français ou internationaux populaires à des prix certes élevés mais assez cohérents au regard de l’inflation, notamment en raison de la tarification dynamique.
Pour rappel, la tarification dynamique est une stratégie de vente où les prix des billets changent en temps réel en fonction de la demande (notamment l’affiche proposée et le taux de remplissage).
Pour aller plus loin : voir notre article, La tarification dynamique pour les places de concert, la nouvelle norme ?
Aussi, l’accès aux événements sportifs et culturels est devenu un vrai parcours du combattant en raison des systèmes de vente complexes, des tarifs trop élevés ou encore des pratiques controversées.
Prenons l’exemple des Jeux Olympiques de Paris 2024 où la billetterie était uniquement accessible par le biais d’un tirage au sort. Les tirés au sort avaient un créneau de 48 heures pour composer leurs packs d’au moins trois disciplines. Nombre d’entre eux ont voulu privilégier des places pour les sports les plus populaires (football, basketball, rugby, volleyball, handball, …) où les prix étaient plus abordables. Mais une fois, le premier sport sélectionné, il était impossible d’accéder à tel ou tel autre sport pour les deuxième et troisième choix. A cette surprise s’en est ajoutée une autre puisque des tarifs prohibitifs, allant parfois jusqu’à 600 euros, étaient appliqués pour les sports les moins populaires (escrime, équitation, BMX freestyle, haltérophilie, …), et ce même pour les tours préliminaires, alors que le Comité d’Organisation des Jeux Olympiques (COJO) avait annoncé que 10% des 13,4 millions de billets mis en vente seraient vendus au prix de 24 euros, et 50% à 50 euros ou mois.
Et cette année, Roland-Garros a décidé d’appliquer ce principe de tirage au sort afin de remédier aux courts vide. En effet, les amateurs de tennis vous le diront, on a constaté en direct à la télévision des courts à moitié vide avec des spectateurs pas toujours très enthousiastes. Cette désertion des courts s’explique par une hausse des prix significative en 2024 : pour les trois premiers matchs de la journée sur le court Philippe-Chatrier, les tarifs variaient de 50 à 200 euros selon la catégorie et le jour, contre 45 à 175 euros l’année précédente, et pour la finale messieurs, le billet le plus cher de la quinzaine, en catégorie or, coûtait 365 euros, contre 320 euros en 2023. Pourtant le tournoi a enregistré une fréquentation record avec 675 080 spectateurs, soit une augmentation de 6,6 % par rapport à l’année précédente.
Avec ce nouveau système, Roland-Garros entend assurer une équité pour tous les amateurs de tennis et réduire le temps d’attente sur la billetterie notamment pour les matchs le plus populaires (comme les demi-finales ou finales). Mais cette pratique est source d’interrogation et de frustration pour les amateurs de tennis, qui s’interrogent sur le motif réel d’un tel tirage au sort.
La raréfaction de l’offre entraine systématiquement une hausse des prix, et empêche une large partie de la population d’accéder aux événements les plus prisés. Certains nous diront, à bon escient, la pratique du tennis n’est pas courante dans les milieux populaires. Mais l’accès aux matchs prestigieux de football sont devenus aujourd’hui hors de portée pour beaucoup. Rappelons que le prix des billets du PSG varie généralement entre 50 et 120 euros pour les matchs de la Ligue 1 et peuvent monter jusqu’à 300 euros lors des classicos (par exemple PSG-OM). Certains clubs ont été critiqués pour avoir augmenté les tarifs dans des virages historiquement populaires. Des groupes de supporters dénoncent la gentrification des stades (ex : Virage Auteuil au Parc des Princes, Nord au Vélodrome).
Aujourd’hui, le législateur français doit s’emparer du sujet et encadrer plus strictement la vente des billets pour les événements sportifs et culturels, afin de garantir un accès équitable et transparent pour tous les consommateurs. C’est pourquoi l’association Léo Lagrange pour La Défense des consommateurs propose :
- La fixation d’un plafond de variation des prix : Le législateur pourrait imposer que le prix d’un billet ne puisse pas dépasser un certain pourcentage au-dessus du tarif de base (par exemple : +15% maximum)
- L’obligation d’un affichage « prix majoré par rapport au prix standard », si une offre à tarification dynamique est proposée aux consommateurs
- L’obligation de fournir une information claire sur les modalités, les critères de sélection, et les probabilités d’obtenir une place
- L’obligation de combiner le système du tirage au sort avec d’autres modalités de distribution (ventes ouvertes selon l’ordre d’inscription, reconnaissance de l’ancienneté ou de la fidélité, …)
- Une sanction administrative lourde et donc dissuasive pour les entreprises contrevenantes
Le consommateur aura ainsi toutes les cartes en main pour décider s’il souhaite ou non participer à un marché, qui à notre sens creuse encore un peu plus les inégalités.